L’empressement qu’a mit
Président français à reconnaître le statut d’ "Etat souverain et indépendant" à la province séparatiste serbe
ne peut s’expliquer que par la volonté de Sarkozy de faire de la France « le meilleur allié de Washington ».
En dépit de liens franco-serbes historiques.
"J’ai l’honneur de
vous informer que la France […] reconnaît le Kosovo comme un État souverain et
indépendant.", a adressé Nicolas Sarkozy à son homologue, Fatmir
Sejdiu, lundi 18 février, au lendemain de la proclamation unilatérale
d’indépendance de la province serbe. Faisant de la France l’un des premiers Etats
et surtout le premier pays de l’Union Européenne à reconnaître l’indépendance
kosovare. Cette reconnaissance ne constitue en rien une surprise, elle avait
été annoncée par Sarkozy. C’est le timing qui interroge. Nicolas Sarkozy s’est-il
soucié de ne pas accabler Belgrade en ajoutant l’humiliation à la
défaite ? A-t-il pris en compte la perte que représente pour la Serbie la sécession du Kosovo puis l’humiliation à le voir être reconnu avec
enthousiasme par une large partie de la communauté internationale ?
Peut-être, mais cela n’a semble-t-il pas pesé lourd face à sa volonté de
s’inscrire dans le sillage américain. Cette attitude ne peut qu’attiser la
rancœur d’une partie de la population serbe et renforcer les nationalistes, emmenés
par Tomislav Nikolic, qui tentent de convaincre leur peuple que l’Union
Européenne n’est ni l’avenir ni l’amie de la Serbie et qu’il existe un
« Occident » qui joue contre leur pays.
"БОЛИМО ФРАНЦУСКУ КАО ШТО
ЈЕ ОНА НАС ВОЛЕЛА"
Les images diffusées au soir de la proclamation d’indépendance par les
grandes chaînes d’informations montrant des drapeaux français, au milieu d’une
mer de drapeaux albanais et américains, témoignent du changement brutal d’image
de la France. D’abord considérée avec méfiance par les Kosovars albanais en
raison de son statut d’alliée traditionnelle de la Serbie, elle est aujourd’hui
perçue comme une amie de la cause albanaise. Dans une région et à un moment où
tout n’est que dichotomie, les soldats français de la KFOR déployés dans le
Nord du Kosovo, à majorité serbe et où les tensions sont les plus vives, se
trouvent ainsi placés dans une situation inconfortable vis à vis de la
population locale. Sur le théâtre des opérations, ils pourraient devenir une
cible pour les groupes paramilitaires serbes qui menacent les forces
internationales et ont déjà perpétré des mitraillages, des attaques à la
grenade et à la bombe contre elles, à Mitrovica.
A Belgrade, dans la citadelle Kalemegdan, un monument honore le
soutien de la France à l’armée serbe au cours de la première guerre mondiale, notamment
le sauvetage par l’armée française de 135.000 soldats serbes réfugiés sur l’île
de Corfou. "Aimons la France comme elle nous a aimé. 1914-1918". Lors
de la guerre menée par l’Otan (et donc par la France) contre la Serbie en 1999,
cette plaque commémorative a été taguée, « 1914-1918 » ayant été rayé
et remplacé par « 1999 ». Cette anecdote traduit un sentiment qui a
du être partagé par une partie de la population serbe prise sous les
bombardements : la France a trahi. Par une partie seulement. "La plupart des gens ne le savent pas mais c’est
la France et Chirac qui ont sauvé les ponts de Belgrade ! Les Américains
eux ils auraient voulu tout détruire !", se souvient, dans un
café de Belgrade, Petar, un instituteur d’une cinquantaine d’années, à
l’évocation de la politique française dans les Balkans.
Conséquence de la reconnaissance par Sarkozy de l’indépendance du
Kosovo, l’ambassade française a été plusieurs fois menacée et des expatriés
français ont témoigné de signes d’hostilité à leur encontre. Que reste-t-il
aujourd’hui, en 2008, de l’amitié et de l’estime qui ont lié la France à la
Serbie au cours du vingtième siècle ?